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Investigations et lésions

Les investigations sont cliniques : palpation de la fontanelle et reconstitution de la courbe de périmètre crânien, recherche de lésions traumatiques, examen neurologique, examen ophtalmologique après dilatation avant 24 heures et au plus tard dans les 72 heures. Les investigations sont également paracliniques : scanner cérébral, IRM des que l’état de l’enfant le permet, bilan sanguin (numération, étude de la coagulation)  et radios du squelette. Les lésions comportent : Presque toujours un hématome sous-dural plurifocal, Très souvent mais pas toujours des hémorragies rétiniennes Souvent des lésions cérébrales Parfois des lésions osseuses Parfois des lésions cutanées Parfois  des lésions médullaires Investigations : bilan clinique et paraclinique.
  • Bilan clinique

    « Reconstituer les courbes staturo-pondérale et de périmètre crânien. L’examen clinique complet recherche d’éventuelles lésions traumatiques, qui doivent être photographiées. L’examen neurologique est évidemment essentiel ; on note le périmètre crânien (à comparer aux chiffres antérieurs), l’état de la fontanelle, du tonus axial, un éventuel déficit moteur. » Rapport d’orientation de la commission d’audition
  • Examens complémentaires

    « Devant les signes cliniques neurologiques ou l’association de signes décrits plus haut, les examens complémentaires suivants sont demandés.

    Scanner cérébral : il constitue l’examen de première intention dans un contexte d’urgence. Il est sensible pour objectiver les lésions hémorragiques (cf. figures ci-dessous) : HSD, hémorragie sous-arachnoïdienne, plus rarement hémorragies du parenchyme cérébral. Il précise aussi l’importance de l’œdème. Il peut être répété 12 à 24 heures plus tard si le premier scanner est normal et si les symptômes persistent.

    Examen ophtalmologique : il doit être réalisé après dilatation, par un ophtalmologiste expérimenté, au plus tard dans les 48 à 72 heures (du fait de la résorption rapide de certaines HR), avec si possible prise de photos.

    Place de l’IRM : En période aiguë et faite dès que l’état de l’enfant le permet, l’IRM a un intérêt diagnostique majeur en montrant des lésions non visibles sur le scanner (HSD de petite taille, œdème, lésions hypoxiques). Sa réalisation dépend de l’état clinique de l’enfant (stabilité). C’est l’examen de choix pour faire le bilan complet des lésions axiales et extra-axiales, qu’elles aient ou non un caractère hémorragique. L’IRM permet l’exploration non seulement du cerveau, mais du tronc cérébral, de la moelle, de la région cervicale. Kemp et al.1  ont fait une revue de la littérature des enfants ayant des lésions graves de la moelle épinière (24 enfants décrits dans 15 études) et recommandent que soit faite une IRM cervicale chez tout bébé chez qui on suspecte un TC, a fortiori s’il existe une déformation inexpliquée du rachis, des signes neurologiques focalisés ou des lésions squelettiques.

    Les séquences conventionnelles utiles comportent la séquence spin écho pondérée T1 et pondérée T2 et la séquence en écho de gradient T2*. Elles sont sensibles à l’effet paramagnétique des produits de dégradation de l’hémoglobine et permettent d’approcher de manière approximative l’âge d’une hémorragie intraparenchymateuse.

    La séquence FLAIR (fluid-attenuated inversion recovery) est très performante dans la détection d’hémorragie sous-arachnoïdienne et de petits hématomes sous-duraux2

    Les nouvelles techniques dites « avancées », comme l’imagerie de susceptibilité magnétique, la spectroscopie et l’imagerie de diffusion, augmentent encore la sensibilité et la valeur diagnostique et pronostique de l’IRM :

    • l’imagerie de susceptibilité magnétique visualise de très petits saignements récents ou anciens2, 3 ;
    • la spectroscopie renseigne sur l’atteinte anatomique et fonctionnelle des neurones et des axones4,5 ;
    • l’imagerie de diffusion apprécie une modification du volume et de la configuration des espaces extracellulaires et/ou de la viscosité intracellulaire 6,7.
    • des études dans le SBS ont démontré des anomalies précoces de la diffusion, compatibles avec un œdème de type cytotoxique dans le cadre probable d’une encéphalopathie hypoxique ischémique associée8.

    L’IRM fait partie du bilan lésionnel dont la réalisation est moins urgente, mais à faire avant la sortie de l’hôpital. Doivent être étudiés non seulement le cerveau, mais aussi le tronc cérébral, le rachis, la moelle. L’IRM peut mettre en évidence des lésions hypoxiques et des lésions d’âge différent. » Rapport d’orientation de la commission d’audition

  • Autres examens nécessaires

    • « NFS + plaquettes, TP, TCA, facteurs de coagulation ;
    • radiographies de squelette entier faites en radiopédiatrie, selon les recommandations de l’American Academy of Radiopediatrics9. Tout enfant de moins de 2 ans chez qui on soupçonne une maltraitance doit avoir des radiographies de tous les os du squelette (et non une radiographie « corps entier ») : radiographies du squelette axial (thorax face et profil, éventuellement trois quarts, pour voir les côtes, le rachis dorsal et lombaire haut ; face et profil du bassin, permettant de voir le rachis lombaire moyen, radiographies de profil du rachis lombo-sacré, radiographies de face et de profil du rachis cervical, radiographies du crâne de face et de profil et autres incidences si nécessaire) et de tous les segments de membres. On recherche ainsi des fractures anciennes ou récentes, en particulier dans les localisations évocatrices citées plus haut.

    Il y a alors 3 possibilités : les lésions osseuses sont très évocatrices de maltraitance ou bien non typiques ou bien absentes. Dans ces deux dernières éventualités, si la maltraitance est fortement suspectée, l’examen scintigraphique peut révéler des lésions non objectivées par les radiographies (fractures de côtes ne montrant pas encore d’images de cals, fractures diaphysaires minimes, épaississement périosté débutant). Une autre possibilité, si l’enfant peut être placé dans un environnement sûr, est de répéter les radiographies du squelette 10 ou 15 jours plus tard, pour observer d’éventuelles modifications9. » Rapport d’orientation de la commission d’audition

  • Les lésions

    « Sont susceptibles d’être lésés dans le SBS les méninges (hémorragies sous-durales ou sous-arachnoïdiennes), l’encéphale, l’œil et la moelle épinière. D’autres lésions peuvent être associées : fractures des membres, des côtes, du crâne, ecchymoses du scalp, hématomes des muscles du cou, lésions rachidiennes postérieures. Les données les plus précises sont apportées par les séries neuro-anatomopathologiques, mais elles concernent évidemment les formes les plus graves puisque responsables du décès de l’enfant. Billette10, à partir de 93 examens neuropathologiques d’enfants victimes de secouement sans impact crânien visible, décrit :

    • 81 hématomes sous-duraux (HSD), 65 hémorragies sous-arachnoïdiennes, 14 hémorragies intraparenchymateuses, 69 cas d’œdème cérébral, 41 engagements cérébraux ;
    • 56 hémorragies intraoculaires ;
    • 21 lésions de la moelle épinière ;
    • l’état du rachis n’est pas mentionné ;
    • les lésions observées ne sont pas spécifiques du mécanisme du décès.

    Une autre étude11 trouve des hémorragies épidurales cervicales et des lésions axonales focales du tronc cérébral et des racines des nerfs spinaux dans 11 cas parmi 37 de TCI et aucun chez 14 cas-contrôles, morts d’autres causes.

    Différents types de lésions du parenchyme cérébral peuvent être vus :

    •  lésions anoxiques du cortex, des noyaux gris, des thalamus : ces lésions se traduisent par des hypodensités, rarement hémorragiques, associées à une perte de contraste entre les substances blanche et grise9 ;
    • œdème cérébral se traduisant par une diminution des espaces liquidiens ;
    • contusions en particulier dans les régions frontales et temporales, et à la jonction substance blanche-substance grise.

    Les collections hématiques extra-axiales

    Les collections hématiques extra-axiales présentent des caractères particuliers dans le SBS12(cf. iconographie) (HSD, éventuellement associés à des hémorragies sous-arachnoïdiennes). Elles sont habituellement plurifocales, bilatérales et fines, sans effet de masse. Elles recouvrent la convexité des hémisphères cérébraux, s’accumulent dans la scissure interhémisphérique en position déclive et longent l’insertion de la tente du cervelet. La reconnaissance d’une hémorragie de la faux du cerveau est très évocatrice du diagnostic de SBS9, de même que les collections sous-durales de la fosse postérieure (cf.figures ci-dessous). Il faut cependant remarquer que l’HSD n’est pas observé chez tous les bébés secoués : il n’existe que dans 72 à 93 % des cas dans les articles revus par Christophe13. Les HED sont plus le fait des TC accidentels ; ils sont exceptionnels dans le SBS.

    Lésions oculaires

    Les hémorragies rétiniennes (HR) ne sont pas constantes dans le SBS : elles se voient, selon Defoort-Dhellemmes , dans environ 80 % des cas (de 50 à 100 % selon les séries).

    Elles sont décrites selon :

    • leur bilatéralité ou non : elles sont la plupart du temps bilatérales, au contraire des HR que l’on peut observer dans les TC accidentels, où elles sont habituellement unilatérales14,15,16. Mais elles sont unilatérales dans 10 à 17 % des SBS ;
    • leur aspect, leur taille (petite, grande, inférieure ou supérieure à 2 disques papillaires) et leur forme (en flammèches, en taches, punctiformes, en dôme), qui dépend de leur localisation dans l’œil ;
    • leur localisation au pôle postérieur de l’œil (péripapillaire, maculaire, le long des arcades vasculaires) ou en périphérie du fond d’œil (moyenne périphérie ou s’étendant jusqu’en extrême périphérie, à l’ora serata) ;
    • leur localisation par rapport aux couches de la rétine (cf. tableau 2) :
    • hémorragies prérétiniennes, situées juste sous la membrane limitante interne, en dôme, de petite taille (classiques « perles jacobines ») ou de grande taille (rétinoschisis hémorragique),
    • hémorragies intrarétiniennes, superficielles (qui disparaissent très rapidement, parfois en moins de 24 heures) ou profondes,
    • hémorragies sous-rétiniennes.


    D’autres lésions peuvent être vues au fond d’œil : hémorragie du vitré et hémorragies choroïdiennes, œdème papillaire dû à l’hypertension intracrânienne. Des hémorragies intraorbitaires (hémorragies sclérales, de la gaine du nerf optique, des muscles, de la graisse orbitaire) peuvent être mises en évidence lors des études anatomopathologiques post-mortem16. Les HR, absentes dans environ 20 % des cas selon Defoort-Dhellemmes14, ne sont pas indispensables au diagnostic de secouement. Dans les TC accidentels, les HR sont beaucoup plus rares, de 0 à 17 %, 8,9 % dans l’ensemble des cas de la littérature colligés par Kivlin et al.17. Leur fréquence est cependant certainement sous-estimée car le fond d’œil n’est pas réalisé systématiquement chez les enfants victimes d’un accident de la voie publique ou bien il est demandé tardivement, alors que les HR les plus fréquentes dans les TC accidentels correspondent aux types 1 et 2 de la classification de Defoort-Dhellemmes et disparaissent rapidement, parfois en moins de 2 jours14.

    Lésions des muscles du cou, du rachis ou de la moelle cervicale

    Une lésion cervicale est notée chez 4 % des enfants étudiés par King et al.18. Billette11 signale que plusieurs observations d’HSD médullaires ont été décrites dans la littérature. Christophe13 précise que des secousses violentes peuvent provoquer des lésions axonales diffuses au niveau du tronc cérébral et de la moelle cervicale haute, et des hématomes épiduraux au niveau de la jonction crânio-cervicale.

    Lésions cutanées

    Les ecchymoses sont, en l’absence de cause médicale, très évocatrices de mauvais traitements chez un nourrisson qui ne se déplace pas seul19. Dans cet article, seuls 0,6 % des enfants de moins de 6 mois et 1,7 % des enfants de moins de 9 mois avaient une ou plusieurs ecchymoses. La localisation au cuir chevelu est particulièrement importante à rechercher : Greenes et Schutzman20 , dans une étude portant sur le TC du nourrisson, remarquent que 93 % des nourrissons présentant des ecchymoses du cuir chevelu se sont avérés avoir des lésions intracrâniennes associées.

    Lésions osseuses

    Elles sont particulièrement évocatrices de mauvais traitements :

    • fractures de côtes (s’il n’y a pas eu auparavant de kinésithérapie respiratoire agressive) : ces fractures sont postérieures, à la jonction costo-vertébrale, habituellement multiples, sur des côtes contiguës, symétriques ;
    • arrachements métaphysaires ;
    • appositions périostées ;
    • certaines fractures du crâne : fractures multiples, fracture occipitale avec embarrure. »Rapport d’orientation de la commission d’audition

Bibliographie

1Kemp A, Joshi A, Mann M, Liu A, Tempest V, Holden S, Maguire S. Spinal injury in physical child abuse. Arch Dis Child 2009;94(Suppl I): A45.
2Greer DM, Koroshetz WJ, Cullen S, Gonzalez RG, Lev MH. Magnetic resonance imaging improves detection of intracerebral hemorrhage over computed tomography after intra-arterial thrombolysis. Stroke 2004;35:491-5.
3Tong KA, Ashwal S, Obenaus A, Nickerson JP, Kido D, Haacke EM. Susceptibility-weighted MR imaging: a review of clinical applications in children. Am J Neuroradiol 2008 29:9-17.
4Cohen BA, Inglese M, Rusinek H, Babb JS, Grossman RI, Gonen O. Proton MR spectroscopy and MRI-volumetry in mild traumatic brain injury. Am J Neuroradiol 2007;28:907-13.
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6Ichord RN, Naim M, Pollock AN, Nance ML, Margulies SS, Christian CW. Hypoxic-ischemic injury complicates inflicted and accidental traumatic brain injury in young children: the role of diffusion-weighted imaging. J Neurotrauma 2007;24:106-18.
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8Adamsbaum C, Falip C, Merzoug V, Kalifa G. Imagerie du syndrome de sévices à enfant. EMC 2008 (Elsevier Masson SAS, Paris), Radiodiagnostic-Squelette normal-Neuroradiologie-Appareil locomoteur, 31-045-A-10.
9American Academy of Radiopediatrics. Section on Radiology. Diagnostic imaging of child abuse. Pediatrics 2009;123:1430-5.
10Billette T. Texte d’expert.
11Geddes JF, Vowles GH, Hackshaw AK, Nickols CD, Scott IS, Whitwell HL. Neuropathology of inflicted head injury in children. II. Microscopic brain injury in infants. Brain 2001;124(Pt 7):1299-306.
12Christophe C. Texte d’expert.
13Defoort-Dhellemmes S. Texte d’expert
14Drack AV, Petronio J, Capone A. Unilateral retinal hemorrhages in documented cases of child abuse. Am J Ophthalmol 1999;128:340-4.
15Mungan NK. Update on shaken baby syndrome: ophthalmology. Curr Opin Ophthalmol 2007;18:392-7.
16Pierre-Kahn V, Roche O, Dureau P, Uteza Y, Renier D, Pierre-Kahn A, et al. Ophthalmologic findings in suspected child abuse victims with subdural hematomas. Ophthalmology 2003;110:1718-23.
17King WJ, MacKay M, Sirnick A; Canadian Shaken Baby Study Group. Shaken baby syndrome in Canada: clinical characteristics and outcomes of hospital cases. CMAJ 2003;168(2):155-9.
18King WJ, MacKay M, Sirnick A; Canadian Shaken Baby Study Group. Shaken baby syndrome in Canada: clinical characteristics and outcomes of hospital cases. CMAJ 2003;168(2):155-9.
19Sugar NF, Taylor JA, Feldman KW. Bruises in infants and toddlers: those who don’t cruise rarely bruise. Puget Sound Pediatric Research Network. Arch Pediatr Adolesc Med 1999;153(4):399-403.
20Greenes DS, Schutzman SA. Clinical indicators of intracranial injury in head-injured infants. Pediatrics 1999;104: 861-7.