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Diagnostic différentiel

« Une chute de faible hauteur peut provoquer exceptionnellement un hématome sous dural mais celui-ci est localise, unifocal et non plurifocal comme dans le SBS. Le jeu ne peut provoquer ni hématome sous dural, ni hémorragie rétinienne.
L’hypoxie n’entraine pas d’hématome sous dural chez des enfants de plus d’un mois de vie. Une hypoxie ne provoque pas d’hémorragie rétinienne.
Une manœuvre de réanimation ne peut provoquer ni hématome sous dural, ni hémorragie rétinienne.
Après accouchement, chez des nouveau-nés asymptomatiques, peuvent exister des hématomes sus-tentoriels postérieurs ou de la fosse postérieure qui disparaissent en moins d’un mois. Egalement, après un accouchement, peuvent exister des hémorragies rétiniennes localisées ou de moyenne périphérie qui disparaissent en moins d’un mois.
L’ostéogenese imparfaite n’entraine pas d’hématome sous dural. Les fractures sont diaphysaires et non metaphysaires.
  • Traumatisme crânien minime : les chutes de faibles hauteur

    En l’absence de définition formalisée du traumatisme minime, il a été décidé d’extrapoler à partir d’exemples de traumatismes considérés comme minimes, tout particulièrement les chutes de faible hauteur, pour lesquels des éléments de réponse existent dans la littérature scientifique.

    Les chutes sont le premier mécanisme allégué par les adultes

    Le mécanisme des chutes est particulièrement important à étudier car il constitue le premier mécanisme allégué par les adultes pour justifier les lésions constatées chez un nourrisson [39]. Il est probablement souvent retenu de façon erronée en l’absence d’une autre explication plausible, comme le suggèrent très fortement plusieurs études.

    • En 1991, Chadwick et al. [21] ont révisé les dossiers des 317 enfants admis consécutivement dans le centre pédiatrique des TC de San Diego entre 1984 et 1988, pour lesquels une histoire de chute était rapportée par les parents comme la cause du TC. Ils ont procédé à l’analyse des données de l’histoire telles qu’elles avaient été rapportées sans en évaluer la vraisemblance ou la crédibilité en regard du diagnostic et du devenir. Pour les 283 enfants pour lesquels la hauteur de la chute était connue, ils ont retrouvé 7 % de décès pour des chutes rapportées de moins de 1 mètre (7/100) comparativement à une mortalité de 0 % pour des chutes de 1 à 3 mètres (0/65) et de 0,8 % pour des chutes de 3 à 12 mètres (1/118). L’âge des enfants n’était pas précisé pour tous, mais sur les 7 décès pour des chutes alléguées de moins de 1 mètre, 2 enfants étaient tombés de leur hauteur (et donc avaient moins de 4 ans puisque la taille d’un enfant de 4 ans est de 1 mètre), 2 étaient tombés d’un lit ou d’une table, ce qui est en faveur d’un jeune âge, 2 âgés de 6 semaines et 13 mois étaient tombés des bras, enfin le dernier de 11 mois était tombé dans les escaliers.
    • Williams [136], dans une étude prospective portant sur 398 chutes d’enfants sur une période de 2 ans à l’hôpital pédiatrique d’Oakland, a comparé deux populations d’enfants de moins de 3 ans pour lesquels le mécanisme causal allégué était une chute selon que les témoins étaient des proches (53 enfants) ou des témoins neutres ou multiples (106 enfants). Il a observé 3,8 % de décès et 34 % de TC graves lorsque les témoins étaient des proches versus 0 % de mortalité (sauf un enfant tombé de 21 mètres) et 0 % de TC graves lorsque les témoins étaient neutres ou multiples.
    • Chadwick, dans un éditorial [23], insiste sur le fait que dans les études sur les mécanismes des TC, les cas de chutes que l’on peut retenir (reliably witnessed cases) sont ceux survenant à l’hôpital, ou dans un lieu autorisé d’accueil d’enfants, sous certaines conditions. Il estime que les cas dont les témoins sont les gardiens ou d’autres enfants ne devraient pas être utilisés pour alimenter les bases de données concernant des mécanismes avérés.

    Mortalité due aux chutes de faible hauteur

    Chez l’enfant de moins de 5 ans, le taux de mortalité immédiate ou différée après une chute de faible hauteur (< 1,5 m) est très faible :

    • Chadwick et al. [22] à partir d’une revue de la littérature portant sur 3 bases de données des états-Unis, 5 chapitres de livres, les travaux de 2 sociétés savantes, 7 revues de la littérature et 177 articles publiés dans des revues avec comité de lecture, ont estimé la mortalité à moins de 0,48/million d’enfants de moins de 5 ans et par an (certains cas ont été retenus dans cette étude malgré des circonstances de survenue douteuses). L’estimation de l’incidence avant 1 an n’est pas précisée.
    • Dans 5 études, aucun des 708 enfants tombés lors d’une hospitalisation et dont 94 au moins étaient âgés de moins de 1 an n’est décédé [55, 79, 84, 95, 115].

    Denton et Mileusnic [30] ont publié le cas d’un enfant de 9 mois, gardé par sa grand-mère, décédé 72 heures après une chute en arrière d’un lit haut de 76 cm où il était assis. L’enfant, sans symptomatologie clinique jusqu’au soir précédent, a été retrouvé mort au réveil. L’autopsie a objectivé de minimes lésions parenchymateuses cérébrales et un HSD fin en regard d’une fracture linéaire pariétale sans disjonction des berges malgré un œdème cérébral massif (1 035 g pour un poids attendu de 750 g). Il n’y avait pas d’hémorragies rétiniennes. Mais ce cas (non retenu par Chadwick et al. comme consécutif à une chute de faible hauteur) ne peut être retenu car le témoin n’est pas neutre et l’absence de disjonction des sutures malgré un œdème considérable est en faveur d’un TC récent, ce qui remet en question le mécanisme allégué de chute de faible hauteur. L’article de Plunkett [105], qui porte sur 75 000 rapports concernant des accidents d’aire de jeux sur une période de 11,5 ans, montre qu’un décès est possible mais exceptionnel après une chute de faible hauteur. Dix-huit enfants (0,024 %), âgés de 12 mois à 13 ans, sont décédés « à la suite d’une chute d’un appareil de jeux d’une hauteur variant de 0,6 à 3 m » (hauteur appréciée non en considérant le centre de gravité de l’enfant mais la partie de son corps la plus proche du sol au moment de la chute). Cependant il faut noter que, sur les 8 enfants décédés âgés de 3 ans et moins [cas 1 à 8] :

    • aucun enfant n’avait moins de 1 an et les 4 cas les plus jeunes [cas 1 à 4] avaient de 12 à 20 mois ;
    • les témoins étaient soit des proches dans 5 cas sur 8 [cas 1 à 4 et 6], en particulier pour les 4 enfants les plus jeunes, soit un autre enfant [cas 8] ;
    •  il n’y avait pas eu d’autopsie dans 3 cas [cas 1, 2 et 7] et dans un quatrième [cas 4], l’autopsie était « limitée » ;
    • un seul des 4 enfants les plus jeunes a eu une autopsie complète [cas 3] ;
    • un balancement était associé à la chute dans 3 cas sur 8 [cas 1, 3 et 6] dont 2 des 4 enfants les plus jeunes ;
    •   l’intervalle libre entre la chute et les premiers symptômes a toujours été inférieur à 15 minutes et même absent dans 3 cas [cas 1, 3 et 6] ;
    •   l’œdème cérébral est indiqué comme cause de la mort même pour les cas sans autopsie.

    Dans cette série, parmi les 8 enfants les plus jeunes, seul le cas 5 d’un enfant de 23 mois ayant basculé par dessus la barrière délimitant une plate-forme située à 0,7 m du sol semble incontestable d’un TC par chute de faible hauteur (cas filmé, pratique d’une autopsie). L’intervalle libre avant le coma avait été de 10 minutes. Les lésions constatées avant la mort étaient :

    • des HR bilatérales objectivées 24 heures après l’admission sans autre précision (le FO n’a pas été fait par un ophtalmologiste) et qui n’ont plus été décrites ensuite à l’autopsie ;
    • un large HSD droit avec effacement du ventricule latéral et une minime hernie sous-falcique au scanner initial. Il n’y a pas eu d’étude des parties molles. L’HSD a été évacué.

    À l’autopsie ont été retrouvés :

    • un impact frontal droit ;
    • un petit HSD résiduel ;
    •   une contusion parenchymateuse pariétale droite ;
    • un œdème cérébral avec hernie cérébelleuse.

    Le faible risque de mortalité par chute de faible hauteur est souligné par le fait que, même pour les chutes de grande hauteur, la mortalité est également très faible :

    • deux études ne trouvent aucun décès pour des chutes inférieures à 3 étages :
    • Smith et al. [121] : étude portant sur les chutes pour la plupart de 3 étages ou moins de 70 enfants de 10 mois à 15 ans, dont 50 % avaient moins de 3 ans,
    • Barlow et al. [9] : 61 enfants de moins de 16 ans ;
    • dans la série de Chadwick et al. [21], un seul des 118 enfants admis après une chute supérieure à 3 mètres est décédé (il était âgé de 11 mois) et aucun des 65 tombés de 1 à 3 mètres.

    Quels signes cliniques entraînent les chutes de faible hauteur ?

    Quelques études apportent des données fiables sur les circonstances immédiates de chutes de faible hauteur, correspondant à un TC minime, survenues dans des circonstances bien établies par des témoins objectifs ou multiples.

    • Cinq études dont les résultats concordent concernent des chutes d’enfants hospitalisés : 0 % de mortalité et un seul cas avec troubles de la vigilance (un nouveau-né tombé de plus de 1 mètre de la table d’accouchement) parmi 708 enfants de 5 études, dont 493 enfants de moins de 7 ans. Les précisions données par les articles permettent d’établir que 94 d’entre eux au minimum étaient âgés de moins de 1 an [55, 79, 84, 95, 115].
    • Un article avec témoins neutres [136], dans une étude prospective portant sur 106 enfants de moins de 3 ans, ne trouve aucune manifestation clinique grave (ecchymoses, abrasions, coupures, pas de trouble neurologique décrit) et 3 fractures du crâne sans perte de conscience (chute sur un bord tranchant) pour des chutes de moins de 1,5 mètre.
    • On peut ajouter à ces données le résultat de questionnaires à des parents portant sur des éventuels antécédents de chute et leurs conséquences. Kravitz et al. en questionnant des mères d’enfants de 1 an (n = 536), ont établi que plus de la moitié de ces enfants avaient fait une chute d’une faible hauteur à un moment quelconque après leur naissance, avec très peu de blessures conséquentes et aucune fatale (74). Quinze enfants ont été hospitalisés. Les symptômes rapportés étaient une léthargie dans 14 cas, une perte de connaissance dans 2 cas, des vomissements dans 8 cas et des convulsions dans 2 cas. Le nombre total de consultations n’a pas été indiqué.
    • Sur 3 357 chutes dont 97 % concernaient la tête chez 2 554 enfants suivis de façon longitudinale entre la naissance et 6 mois, une blessure a été rapportée dans 437 cas, sous forme d’une ecchymose dans 244 cas et dans moins de 1 % (21 fois) d’une fracture ou d’un TC léger (commotion) [134].

    Il ressort clairement de ces études qu’une chute d’1,5 mètre n’entraîne qu’exceptionnellement le décès (moins de 0,48/million d’enfants de moins de 5 ans et par an [22]) et donne rarement des manifestations cliniques.

    Des hématomes sous-duraux peuvent-ils être observés après des chutes de faible hauteur ?

    Quelques articles sont disponibles :

    • Case [20], à partir de 2 études sur les décès d’enfants (1re étude portant sur 63 décès accidentels, dont 10 par TC accidentel et 6 par chute, excluant les noyades, décès par armes à feu, brûlures et accidents de la voie publique dont 25 [39 %] enfants de moins de 1 an, 18 [28 %] entre 1 et 2 ans et 5 [8 %] de 2 à 3 ans ; 2e étude : 21 décès accidentels dont 2 par TC et dont 9 enfants [43 %] avaient moins de 1 an) menées dans une agglomération de 2 millions d’habitants sur une période de 24 ans (1975 à 1985 et 1986 à 1999), mais aussi à partir de l’étude de la littérature, conclut qu’en cas de chute < 1,8 m (6 pieds) on peut constater une fracture du crâne dans 1 à 3 % des cas, généralement linéaire sans hémorragies intracrâniennes, ni déficit neurologique. Moins de 1 % de ces fractures causent un HED (1 à 3/10 000) et encore plus rarement un HSD (contact subdural hemorrhage). Si ces hémorragies sont suffisamment volumineuses pour créer un effet de masse, la mort peut survenir par hypertension intracrânienne. Dans tous ces cas, l’HED, comme l’HSD, est focal, localisé à côté ou adjacent à la fracture.
    • Pour Dias [31, 32] à partir de son expérience et d’une étude de la littérature :
    • les chutes < 1,5 m (5 pieds) peuvent, de façon inhabituelle, être à l’origine de lésions intracrâniennes : fractures du crâne le plus souvent, HED, hémorragies sous-arachnoïdiennes, mais aussi des HSD localisés,
    •   les HSD diffus, les hypodensités cérébrales « sont extraordinairement rares s’ils existent » (pas de cas décrit retrouvé par Dias),
    • les lésions sont souvent silencieuses ou très peu symptomatiques et ne laissent pas de séquelles,
    • les chutes de faible hauteur sont encore plus rarement létales. Les décès sont dus, dans 67 à 75 % des cas, à des lésions avec effet de masse (HED, HSD).
    • Matschke et al. [86] ont retrouvé, dans une étude portant sur 715 autopsies consécutives d’enfants de moins de 1 an (décès dû dans presque 300 cas à une malformation, puis à une souffrance périnatale [175 cas], à une infection [moins de 100 cas], à une atteinte métabolique [30 cas]), un seul cas d’HSD par TC accidentel (accident de la voie publique). Cet HSD était localisé.

    Éléments biomécaniques
    Bertocci et al. [10] ont étudié les accélérations linéaires de la tête pour des chutes d’une hauteur de lit sur différents types de surface. Même si des études sont encore nécessaires afin de déterminer les limites lésionnelles de l’enfant qui ne sont pour l’heure pas connues, les valeurs obtenues étant très inférieures (55 à 418 m/s2) aux seuils lésionnels de l’adulte (900 m/s2), cela suggère que, pour les chutes étudiées, des lésions cérébrales graves (à type d’HSD aigu ou d’hémorragie intracérébrale) ne puissent survenir, l’accélération linéaire n’étant pas suffisante.
    Conclusion concernant les hématomes sous-duraux
    Les HSD après chute de faible hauteur sont exceptionnels et sont localisés. Ils sont le plus souvent en regard d’un trait de fracture. Devant le caractère exceptionnel de cette situation, en cas d’HSD après ce qui est décrit comme une chute de faible hauteur, le professionnel doit envisager en premier lieu la possibilité d’un TCI.

    Hémorragies rétiniennes après chute de faible hauteur

    Quelle que soit la hauteur de la chute, les HR sont rarement décrites dans les chutes qui se produisent devant témoin neutre et fiable. Après une chute de faible hauteur, les HR, lorsqu’elles sont observées, ne sont jamais étendues soit en surface, soit en profondeur comme décrites dans les cas de TCI. Elles sont alors le plus souvent associées à un HED [41, 125] et sont modérées : intrarétiniennes ou prérétiniennes de petite taille et localisées au pôle postérieur de l’œil [41, 63, 68], le plus souvent unilatérales [125] ; mais elles peuvent être bilatérales souvent asymétriques (série personnelle de Defoort-Dhellemmes [28].

    Hématome sous-dural et hémorragies rétiniennes après chute de faible hauteur

    Christian et al. [25] ont rapporté 3 cas d’HSD traumatiques survenus au domicile, dont 2 avec HR qui étaient limitées au pôle postérieur (pré, intra ou sous-rétiniennes) homolatérales. Mais pour aucun des cas le mécanisme ne peut être assimilé à une chute de faible hauteur :

    • chute de 13 marches dans les escaliers d’un enfant de 13 mois, avec signes locaux d’impact (contusion cutanée frontale, abrasion nasale) ainsi que des HR homolatérales à l’HSD ;
    • chute à travers une rampe d’escalier sur un sol en béton d’un enfant de 7 mois, avec fracture du crâne, contusion parenchymateuse cérébrale droite, mais sans HR ;
    • chute au décours d’un balancement d’un enfant de 9 mois : il est décrit que le père, qui avait l’enfant dans ses bras et le balançait, a lâché prise (lost his grip). La partie postérieure de la tête de l’enfant a alors heurté le sol. Ce cas ne peut être retenu comme exemple de chute de faible hauteur car :
    •  le témoin, ami de la famille, n’était pas neutre,
    •  l’association d’un balancement avec perte de contact au cours du balancement fait qu’on ne peut assimiler ce cas à une simple chute de faible hauteur,
    • la hauteur était minime (30 cm),
    • il n’y a pas eu d’intervalle libre,
    • contrastant avec l’importance des lésions internes constatées (HSD pariéto-occipital et HR), il n’existait, contrairement aux 2 autres cas, aucune lésion externe ni ecchymose ni lésions des parties molles en faveur d’un impact.

    Vinchon et al. [133] ont recueilli prospectivement sur 3 ans les données portant sur 150 enfants âgés au plus de 24 mois ayant eu un TCI ou un TC accidentel. Le TC de 73 enfants était considéré comme accidentel. Dans 12 cas, il s’agissait d’accidents de la voie publique. Dans 55 cas le traumatisme était survenu à la maison et a été rapporté à une chute 53 fois : 13 chutes d’un siège, 10 dans un escalier, 9 des bras de l’adulte, 9 d’une table, 8 chutes de sa hauteur ou d’une hauteur élevée, 2 d’un lit. Le témoin, lorsqu’il y en avait un, était toujours un proche. Dans certains cas la nature traumatique a été déduite des lésions constatées. Des HR étaient observées 5 fois parmi ces 73 enfants mais on ne peut savoir quels enfants étaient concernés, quel était leur âge et quelles étaient les lésions intracrâniennes associées. Il est donc impossible, à partir de cet article, d’identifier un cas d’enfant porteur à la fois d’un HSD et d’HR après une chute de faible hauteur et a fortiori avec un témoin neutre. Sur les 4 cas de Plunkett [105] d’enfants de 12 à 20 mois décédés après accidents d’aire de jeux, un seul (cas 4) a eu une examen du fond d’œil et présentait HSD et HR bilatérales (HR sur plusieurs couches). Le fond d’œil n’avait pas été fait par un ophtalmologiste. Le témoin n’était pas neutre.

    Au total : il n’est retrouvé dans la littérature aucun cas d’enfant de moins de 1 an présentant après une chute de faible hauteur l’association d’un HSD et d’HR.

  • Manoeuvres considérées par l’entourage comme des jeux

    Très peu d’études concernent cette question.

    Éléments biomécaniques

    Un mécanisme parfois invoqué par les adultes est le secouement du bébé dans un siège de type transat par jeu par un enfant plus grand. Jones et al. [64] ont utilisé un mannequin d’un enfant de 5 semaines soumis à des va-et-vient sur un siège de bébé de type transat. Ces valeurs allaient de 6 à 16 G à comparer à 50 G correspondant au pic d’accélération considéré comme lésionnel, à 750 G résultant d’un impact contre un mur [34] et à 177 G correspondant à un secouement violent. De plus, lorsque est prise en compte la durée de sollicitation, les index obtenus alors sont de 2 à 52 à comparer à la valeur 1 000 qui correspond à un risque de 50 % chez l’adulte de présenter des lésions neurologiques graves. Même si des études sont nécessaires afin de déterminer les limites lésionnelles de l’enfant, les valeurs obtenues étant très inférieures (2 à 52) aux seuils lésionnels de l’adulte (1 000) suggèrent qu’il est très vraisemblable que, pour les secouements étudiés, des lésions cérébrales graves ne puissent survenir.

    Éléments cliniques

    Il n’a pas été retrouvé dans la littérature ni dans l’expérience des experts de cas de TC avec HR ou avec HSD survenu à l’occasion d’un jeu.

  • Accouchement

    La responsabilité de l’accouchement est parfois invoquée en présence d’HSD ou d’HR. Il convient donc de préciser les lésions observables après accouchement et leur évolution chez un enfant asymptomatique.

    Hématome sous-dural

    Éléments biomécaniques

    Les lésions sous-durales survenant lors d’un accouchement ne sont pas liées à des impacts, mais correspondent à des phénomènes de compression « statiques ».

    Éléments cliniques

    • Le mode d’accouchement influe sur la fréquence de survenue des hémorragies intracrâniennes, qui surviennent avant tout en cas de déroulement anormal du travail. Towner et al. [124], sur 583 340 accouchements consécutifs d’enfants vivants, pesant de 2 500 à 4 000 grammes, chez des primipares, en excluant les grossesses multiples (data base californienne entre 1992 et 1994), ont étudié la morbidité liée au mode d’accouchement. Le taux d’hémorragies intracrâniennes est supérieur chez les enfants nés avec ventouse, forceps ou par césarienne réalisée après déclenchement du travail par rapport aux enfants nés sans instrumentation ou nés par césarienne réalisée avant le déclenchement du travail. Cela suggère que le risque est lié avant tout au déroulement anormal du travail.
    • Ont été retenues les études prospectives portant sur des enfants asymptomatiques [81, 112, 135]. Aucun de ces enfants n’a eu d’examen du fond d’œil.
    • Un HSD asymptomatique peut se rencontrer précocement (< 72 h) après un accouchement, avec une fréquence variable de 9 % [135] à 46 % [111] en fonction des modalités d’exploration (échographie ou IRM/puissance de l’IRM/réalisation de coupes coronales pour faire la part des localisations supra et infratentorielles), de la date des explorations et des modalités de l’accouchement.
    • Un HSD est retrouvé d’autant plus fréquemment que l’exploration est précoce, l’IRM puissante, l’accouchement a eu lieu par voie basse (14 à 33 %), avec utilisation de ventouses (40 à 77 %) ou de forceps (30 à 33 %) et que le poids de l’enfant est élevé [112], qu’il y a eu des lésions de la filière génitale [81] ou que l’enfant est prématuré (24 % pour Sezen [119]) ou qu’il s’agit d’un premier enfant (20 % pour Sezen [119]).
    • Ces HSD occupent tant l’étage infratentoriel que l’étage supratentoriel ou les deux simultanément. Whitby et al. [135] et Looney et al. [81] décrivent une prépondérance de localisation infratentorielle, à l’inverse de Rooks et al. [112].
    • Les HSD supratentoriels sont occipitaux, mais aussi pariétaux ou temporaux. Dans la série de Rooks et al. [112], tous (46/46) les HSD supratentoriels étaient situés dans la moitié postérieure du crâne : interhémisphériques postérieurs (30/46 soit 65 %), occipitaux (29/46 soit 63 %) et bordant la tente du cervelet (22/46 22 %). Vingt enfants (43 %) avaient aussi un HSD de la fosse postérieure. Comme pour Rooks et al. [112], aucun des HSD asymptomatiques supratentoriels dans la série de Whitby et al. [135] n’était frontal. Dans la série de Rooks et al., 74% (34/46) des cas avaient un HSD en 2 ou 3 territoires. Les HSD étaient alors tous homogènes sur toutes les séquences [112]. Dans l’étude de Looney et al. [81], avec utilisation d’une IRM 3 tesla, dans les 12 cas avec HSD multiples, ces derniers étaient homogènes et du même âge. L’hémorragie était souvent minime sous la forme d’un film mince. Aucun des 46 cas de Rooks et al. [112] n’avait d’hémorragie extradurale, sous-arachnoïdienne ou intraparenchymateuse.

    Au total,dans les circonstances de l’accouchement, chez des nouveau-nés asymptomatiques, des HSD peuvent exister à l’imagerie cérébrale. Ils sont situés généralement en sustentoriel dans la moitié postérieure (et non dans la moitié antérieure) du crâne ou bien dans la fosse postérieure, localisations qui sont trouvées dans les SBS. Ces HSD sont souvent plurifocaux. Ils sont, lorsque cela a été précisé, homogènes et de même âge. Dans les études référencées, les données du suivi lorsqu’elles étaient complètes ont montré que ces HSD, qui étaient asymptomatiques, n’ont pas évolué vers un HSD chronique et se sont résolus spontanément en 1 mois ou moins [112, 135], sauf 1 cas de Rooks et al. qui avait initialement à la fois un HSD occipital bilatéral et un HSD de la fosse postérieure, et qui à 26 jours avait un nouvel HSD frontal gauche et dont le contrôle à 5 mois montrait la disparition des HSD mais un élargissement des espaces péricérébraux.

    Hémorragies rétiniennes

    À partir de plusieurs études prospectives, il apparaît qu’environ 1/3 des enfants nouveau-nés à terme ont des HR. On les retrouve après tous les types d’accouchement, mais plus fréquemment après ceux par forceps ou surtout ventouse. Ces hémorragies sont, sauf exception intrarétiniennes superficielles et profondes, uni ou bilatérales (52 %, 26/50 des cas d’Emerson), souvent nombreuses (supérieures à 10), s’étendant jusqu’en périphérie dans un tiers des cas. Elles peuvent être à centre blanc dans 15 à 25 % des cas. Elles disparaissent très rapidement, souvent en moins de 3 jours [119]. Elles ne sont que très exceptionnellement retrouvées à 1 mois (2/202 dans les 2 cas après utilisation de ventouse) et jamais au-delà de 2 mois [36, 59, 80, 119]. Au total,dans les circonstances de l’accouchement, particulièrement après utilisation de ventouse et de forceps, et chez des nouveau-nés asymptomatiques, des HR peuvent exister dans un tiers des cas. Elles sont sauf exception en flammèche, en taches, spiculaires ou punctiformes de type 1 ou 2 de Defoort-Dhellemmes et disparaissent en moins de 1 mois, le plus souvent en quelques jours (texte modifié par S Defoort en mars 2012 avec suppression de hémorragies de tous types) Des HR et même des hémorragies du vitré peuvent aussi survenir comme une complication d’une rétinopathie due à la prématurité chez 1 à 2 % des prématurés [40] et peuvent être plus durables.

  • Hypoxie, anoxie

    Hématome sous-dural

    Éléments radiologiques

    Trois études rétrospectives portant sur les signes radiologiques des hypoxies graves ont montré l’absence d’HSD chez des enfants avec hypoxie grave dont certains avec arrêt cardiaque prolongé [26, 27, 107].

    Éléments autopsiques

    Byard et al. [18] n’ont objectivé aucun HSD macroscopique dans une série de 82 autopsies, avec preuves histologiques d’encéphalopathie hypoxo-ischémique, chez des enfants de moins de 3 ans, hors contexte de SBS (ils n’ont pas différencié les fœtus des nouveau-nés). Matschke et al. [86], qui n’ont pas non plus différencié les fœtus des nouveau-nés, n’ont retrouvé macroscopiquement que 50 HSD lors de 715 autopsies consécutives réalisées chez des enfants de moins de 1 an majoritairement hypoxiques avant leur mort (malformation [40,4 %], suites d’une complication périnatale [24,3 %], infection [12,2 %], maladie métabolique [4,5 %], mort subite du nourrisson [3,4 %], traumatisme infligé [2,4 %], autres causes non naturelles [2,1 %]). Une cause a été retrouvée pour tous les cas d’HSD lorsque les données étaient complètes, soit 48 cas sur 50 : 14 SBS, 1 traumatisme accidentel, 13 troubles de l’hémostase, 13 décès périnataux, 4 d’origine métabolique, 3 d’origine infectieuse et 2 HSD très localisés rapportés à une mort subite. La cause la plus fréquente était un traumatisme infligé (14 cas), mécanisme également évoqué pour les 2 cas pour lesquels des données étaient incomplètes. Donc les HSD dans des circonstances hypoxiques sont rarissimes.

    Éléments cliniques

    C’est également ce que montrent les études cliniques [39, 58, 62, 129]. Geddes et al. [42] ont retrouvé, à l’examen histologique, 36 hémorragies intradurales (HID) chez 50 fœtus et enfants, mais un seul HSD, unilatéral, a été trouvé macroscopiquement (chez un enfant né au terme de 25 semaines, décédé d’infection à une semaine de vie). Parmi les 30 enfants nés vivants, seuls 13 avaient histologiquement une HID manifeste. Douze sur les 13 étaient décédés très tôt en période périnatale (1re semaine pour 11 d’entre eux) ou néonatale (1er mois de vie pour le douzième) et un seul des enfants ayant une HID manifeste correspondait à l’âge moyen des SBS. L’accouchement a été exclu comme possible cause de saignement dans 72 % des cas (36/50) : chez 11 des 17 morts in utero, mais aussi chez les 13 des 18 enfants qui ont vécu plus de 5 jours (médiane 23 jours), alors que les hémorragies dues à l’accouchement peuvent durer jusqu’à 1 mois. La différence de fréquence de survenue des HID (regroupement des cas + et les cas ++) selon qu’il y avait ou non hypoxie et anoxie n’était pas significative (p = 0,15), mais il est dit que ce manque de significativité était dû au petit nombre de cas. Malgré ce manque de significativité, une « unified hypothesis » a été proposée. Elle suppose que le saignement sous-dural dans certains cas de traumatismes crâniens de l’enfant puisse résulter d’un passage de sang des veines intracrâniennes vers l’espace sous-dural du fait de la combinaison d’une hypoxie sévère, d’un œdème cérébral et de l’élévation de la pression veineuse centrale. Selon les auteurs, le saignement sous-dural ne serait donc pas dû à une rupture des veines ponts, mais serait le témoin d’une immaturité sans nécessité d’un impact ni d’une force considérable. Cohen et Scheimberg [29] ont objectivé des HID manifestes et des signes d’hypoxie de gravité variée chez 25 fœtus et 30 enfants morts dans les 19 premiers jours de vie, dont 25 dans la première semaine. Un HSD a été retrouvé dans 2/3 des cas (16 fœtus et 20 nouveau-nés). Les HID prédominaient à la partie postérieure de la faux du cerveau et à la tente du cervelet.

    Au total, l’hypoxie :

    • est susceptible, dans une population particulière constituée de fœtus et d’enfants décédés dans le premier mois de vie et le plus souvent dans la première semaine de vie, d’être à l’origine, de contribuer ou d’être associée à des HID décelables histologiquement et au maximum à des épanchement sous-duraux très fins (thin film) sustentoriels postérieurs et sous-tentoriels. Les suffusions intradurales peuvent passer inaperçues à l’imagerie ou même à l’autopsie lorsque le prélèvement est inadéquat ;
    • n’entraîne pas d’HSD macroscopiques chez des enfants de plus de 1 mois de vie.

      Hémorragies rétiniennes

      L’hypoxie aiguë, telle qu’elle peut se produire lors d’une suffocation, alors qu’elle provoque fréquemment des pétéchies à la surface des poumons, du cœur ou d’autres viscères, ne provoque pas d’HR [99].

  • Manœuvres de réanimation

    Des manœuvres de réanimation cardio-respiratoire sont parfois alléguées, au moment d’un diagnostic d’HSD, comme pouvant être à l’origine du saignement.

    Hématome sous-dural

    Aucune étude dans la littérature n’a été identifiée montrant une association entre HSD et réanimation cardio-respiratoire.
    Les lésions constatées à la suite de réanimation sont liées avant tout à ce qui a justifié la réanimation. Les lésions le plus fréquemment rencontrées après réanimation sont anoxo-ischémiques avec un œdème cérébral, des ischémies cérébrales diffuses prédominantes dans les régions les moins bien vascularisées selon l’âge de l’enfant et des lésions ischémiques des noyaux gris centraux. Dans les séries, il n’y a pas d’HSD rapporté [5, 8, 26, 116].
    Dans l’étude rétrospective de Bush et al. [17] portant sur 211 enfants, d’âge moyen 19 mois, ayant justifié d’une réanimation cardio-respiratoire (critère d’inclusion de l’étude) de durée moyenne 45 minutes (3 à 180 minutes) pour mort subite du nourrisson (56 %), noyade (8 %), cardiopathie congénitale (7 %), pneumonie (4 %), il n’est pas rapporté de lésions cérébrales.
    La découverte d’un HSD à la suite d’une réanimation cardio-respiratoire ne prouve en aucun cas que ce soient les manœuvres de réanimation qui sont responsables de cet hématome.

    Hémorragies rétiniennes

    Les rares études disponibles concernent une réanimation préhospitalière ou hospitalière par des professionnels. Les HR sont exceptionnellement retrouvées chez les nourrissons qui n’ont ni TC
    ni maladie hémorragique et qui ont bénéficié d’une réanimation cardio-respiratoire, même prolongée. Il s’agit alors d’hémorragies, punctiformes ou en flammèches, peu nombreuses, parfois à centre blanc, localisées au pôle postérieur, uni ou bilatérales [44, 45, 49, 66, 76, 98, 106].

    Autres circonstances
    Différentes problématiques peuvent être abordées dans le cadre de cette question [85].
    Hémorragies rétiniennes après convulsions
    Aucun des 32 enfants admis consécutivement en raison de convulsions n’avait d’hémorragie rétinienne [129].
    Une seule enfant de 8 mois, parmi 153 enfants de 2 mois à 2 ans examinés après une crise d’épilepsie, avait des HR. Celles-ci étaient unilatérales en flammèche autour de la papille [88].
    Aucun enfant parmi 32 enfants d’âge moyen 30 mois, hospitalisés après crise d’épilepsie, n’avait d’HR malgré, pour quelques-uns, la nécessité d’une réanimation [117].
    Hémorragies rétiniennes après toux
    Aucune HR n’a été objectivée chez 100 enfants consécutifs ayant une toux persistante [50].
    Hémorragies rétiniennes après vomissements
    Aucun des 100 enfants ayant des vomissements par sténose du pylore n’avait d’HR [57].

  • Autres circonstances

    Différentes problématiques peuvent être abordées dans le cadre de cette question [85].

    Hémorragies rétiniennes après convulsions

    Aucun des 32 enfants admis consécutivement en raison de convulsions n’avait d’hémorragie rétinienne [129].
    Une seule enfant de 8 mois, parmi 153 enfants de 2 mois à 2 ans examinés après une crise d’épilepsie, avait des HR. Celles-ci étaient unilatérales en flammèche autour de la papille [88].
    Aucun enfant parmi 32 enfants d’âge moyen 30 mois, hospitalisés après crise d’épilepsie, n’avait d’HR malgré, pour quelques-uns, la nécessité d’une réanimation [117].

    Hémorragies rétiniennes après toux

    Aucune HR n’a été objectivée chez 100 enfants consécutifs ayant une toux persistante [50].
    Hémorragies rétiniennes après vomissements
    Aucun des 100 enfants ayant des vomissements par sténose du pylore n’avait d’HR [57].

  • Autres diagnostics

    Troubles de l’hémostase

    Troubles congénitaux de la coagulation (déficit en facteur V, X, XIII et hémophilie A), pouvant entraîner des hémorragies intraparenchymateuses ou extra-axiales [44].
    Thrombopénies sévères : elles peuvent entraîner des hémorragies intracrâniennes, essentiellement intraparenchymateuses.

    Malformations artério-veineuses

    Exceptionnelles avant 1 an, elles provoquent une hémorragie sous-arachnoïdienne souvent associée à une hémorragie intracérébrale ou intraventriculaire plutôt qu’une hémorragie sous-durale.

    Maladies métaboliques

    À rechercher en fonction du contexte.
    Acidurie glutarique de type 1 : 1/30 000 naissances. Elle se manifeste souvent par une détresse neurologique aiguë dans les premiers mois de vie, avec un tableau pseudoencéphalitique, chez des enfants ayant souvent une macrocrânie et une hypotonie préexistante. L’imagerie retrouve des anomalies évocatrices : vallées sylviennes larges, lésions des noyaux gris centraux. Au cours de l’évolution, des HSD sont fréquents ainsi que des HR qui sont rapportées dans 20 à 30 % des cas 16, 22, 29. Le diagnostic de la maladie métabolique est confirmé par la chromatographie des acides organiques urinaires devant le tableau clinique et radiologique caractéristique 35.
    La maladie de Menkes : elle touche les garçons (maladie récessive liée à l’X) et est également rare: 1/250 000 à 300 000 naissances. C’est une maladie métabolique de l’absorption du cuivre. Elle entraîne des lésions osseuses multiples et des HSD 39, une hypotonie, des convulsions précoces et un retard mental sévère chez les enfants survivant au-delà de la période néonatale. L’aspect des cheveux est évocateur (pili torti). Le dosage du cuivre et de la céruléoplasmine permet facilement d’en faire le diagnostic biochimique.

    Ostéogenèse imparfaite

    Deux articles [55, 56] font état de la possibilité d’HSD dans ce syndrome, sans en indiquer la fréquence, et sans qu’il puisse être établi un lien de cause à effet. Le tableau clinique est en fait bien différent ; les fragilités osseuses constitutionnelles sont responsables de fractures diaphysaires et non de lésions métaphysaires.

  • Elargissement des espaces péricérébraux

    La première hypothèse est que cet élargissement entre dans le cadre d’une expansion des espaces sous-arachnoïdiens (EESA), entité qui prédisposerait à la survenue de l’HSD.

    L’EESA qui correspond à un trouble transitoire de résorption du liquide céphalo-rachidien a parfois été appelée hydrocéphalie externe bénigne du nourrisson. L’EESA est une entité acceptée par la communauté pédiatrique et neurochirurgicale qui se caractérise par un élargissement des espaces arachnoïdiens chez un nourrisson, le plus souvent un garçon, sans anomalie du développement et sans signe clinique neurologique.
    Le signe clinique principal est une macrocrânie avec augmentation du périmètre crânien avec une fontanelle large et dépressible. Certaines études rapportent une fréquence élevée d’enfants avec EESA sans macrocrânie, représentant quasiment une particularité physiologique [24, 96]. Mais les études sont rétrospectives, le scanner cérébral a été réalisé chez des enfants hospitalisés qui étaient tous symptomatiques (retard du développement, comitialité, troubles du tonus [24]) et enfin la recherche systématique de signes cliniques, radiologiques ou ophtalmologiques de mauvais traitement n’a pas été effectuée.
    Dans cette entité, le périmètre crânien est souvent, mais pas toujours, élevé à la naissance, augmente régulièrement, dépasse les + 2 déviations standard (DS) entre 3 et 6 mois, se stabilise généralement entre l’âge de 1 et 2 ans, puis se rapproche de + 2 DS par la suite de façon harmonieuse [7]. Les ESA se normalisent après 2 ans [3, 73, 97].
    Il peut exister des antécédents familiaux.
    Le diagnostic d’EESA repose sur l’imagerie cérébrale mettant en évidence un élargissement liquidien des espaces péricérébraux et des sillons cérébraux (ce qui témoigne de la participation sous-arachnoïdienne), qui prédomine en région frontale, le plus souvent bilatéral, et dans le sillon interhémisphérique (plus de 3 mm à la convexité, plus de 4 mm en cortico-crânien au niveau des trous de Monro et plus de 6 mm d’écart interhémisphérique). L’épanchement est isodense au LCR, l’arachnoïde n’est pas individualisable, le parenchyme est normal. Ensuite l’élargissement se réduit. Il peut persister un décollement crânio-cérébral modéré [3].

    • Éléments cliniques issues de la littérature concernant cette première hypothèse

    Cette hypothèse est peu et mal documentée dans la littérature [110].
    De nombreux biais méthodologiques, des travaux anciens qui méconnaissaient la place de la maltraitance, et par-dessus tout la difficulté de prouver à la fois l’existence préalable d’une EESA et l’absence de traumatisme, tels sont les principaux obstacles au progrès de la connaissance sur ce point précis de la pathogénie des HSD du nourrisson.
    Les cas cliniques publiés rapportant une coexistence d’HSD et d’EESA [51, 56, 67, 104] n’ont que très rarement été explorés de manière complète dans l’éventualité d’un TCI : les fonds d’œil, le bilan radiologique osseux ont rarement été réalisés, une enquête n’a pas toujours été faite, de même que la reconstitution de la courbe du périmètre crânien. Le fait que le témoin soit un proche ou non n’a pas toujours été précisé.
    Huit études rapportent des données de suivi d’enfants présentant une EESA (séries ou cas cliniques) [2, 6, 56, 76, 82, 88, 93, 96] dont 1 seule prospective [2]. Elles représentent 215 patients suivis en moyenne 40,3 mois (suivi cumulé 524 années-patients). Seules 2 rapportent au total 4 patients dont un patient [56] pour lequel on ne sait pas s’il a eu fond d’œil et enquête et 3 patients [6] dont il est sûr qu’ils n’ont eu ni fond d’œil ni enquête.

    • Élément biomécanique issu de la littérature

    Un modèle biomécanique suggère que l’arrachement des veines ponts était favorisé par un élargissement des espaces arachnoïdiens [101]. Mais une étude récente de Raul et al. a montré, en utilisant un modèle par éléments finis de tête de nourrisson de 6 mois, que l’EESA a au contraire un effet d’amortissement en réduisant le déplacement relatif du cerveau par rapport au crâne [108].
    Au total, il n’a pas été trouvé d’arguments dans la littérature permettant d’étayer l’hypothèse selon laquelle l’EESA est un facteur favorisant d’HSD chez le nourrisson.

    Deuxième hypothèse : l’expansion des espaces péricérébraux est la conséquence d’un traumatisme antérieur méconnu

    Ewing-Cobbs et al. [37, 38] ont comparé prospectivement l’imagerie initiale d’enfants victimes d’un TC, âgés de 1 mois à 6 ans, répartis en 2 groupes (30 enfants par TCI et 29 par TC accidentels) comparables quant aux données concernant la naissance (à l’exception du poids de naissance) et la période néonatale. Parmi les 30 enfants avec TCI, il a été objectivé 9 fois une atrophie cérébrale (bilatérale, corticale et supratentorielle), 4 fois un hygrome sous-dural (unilatéral de la convexité et de la scissure interhémisphérique) et 7 fois une dilatation ventriculaire alors que ces anomalies n’ont été trouvées chez aucun des 29 enfants avec TCA. Les 9 enfants avec une atrophie avaient tous d’autres anomalies cérébrales associées : 4 avaient une dilatation ventriculaire, 4 autres avaient une dilatation ventriculaire et un hygrome, le dernier avait des ventricules de taille normale, mais un hygrome sous-dural. Des hémorragies multiples étaient présentes chez 68 % des TCI versus 32 % des TC accidentels. Le nombre moyen d’hémorragies extra-axiales était de 2,1 dans le groupe TCI versus 1,3 dans le groupe TC accidentels.
    Feldman et al. [39], dans une étude prospective incluant des enfants de moins de 36 mois avec HSD, ont trouvé un HSD chronique ou un HSD aigu sur un HSD chronique mixte chez 17 (44 %) des 29 enfants ayant un TCI, chez 8 (67 %) des enfants dont le traumatisme était d’origine indéterminée, et chez aucun des 15 (0 %) enfants ayant un TC accidentel.
    Ces études plaident pour le fait que l’élargissement des espaces péricérébraux objectivé à la phase initiale correspond non à une EESA mais à des lésions séquellaires d’un TC méconnu.
    Des études de suivi d’une cohorte de nourrissons avec EESA et de nourrissons secoués évaluant l’évolution des imageries cérébrales seraient très utiles. »
    Extrait du rapport d’orientation de la commission d’audition.