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Cohérence des actions

Le signalement est la pierre angulaire de l’articulation très cohérente des rôles et des interactions des divers acteurs.
  • Articulation des rôles et interactions des différents acteurs

    Signalement et suites du signalement
    Tout signalement de suspicion de secouement d’un bébé reçu par le Procureur de la République entraîne, généralement, l’ouverture de 2 procédures parallèles, complémentaires et menées concomitamment afin :
    d’une part d’assurer la protection immédiate de l’enfant et/ou des autres enfants en cas de danger de réitération des violences (c’est une procédure d’assistance éducative) et d’autre part, de déterminer les circonstances exactes des violences infligées et l’auteur de celles-ci (c’est l’enquête pénale).

    L’ouverture d’un dossier d’assistance éducative pour assurer la protection de l’enfant. Après avoir pris si nécessaire, à titre conservatoire, une ordonnance de placement provisoire, le Procureur de la république saisit le juge des enfants. Ce dernier ordonne généralement une ou plusieurs mesures d’investigation pour mieux cerner la personnalité des protagonistes et la situation familiale – enquête sociale, Mesure Judiciaire d’Investigation Educative (MJIE), expertise psychologique ou psychiatrique – avant de décider, s’il estime que les conditions de l’article 375 du code civil sont réunies, soit une intervention en milieu ouvert (AEMO), soit un placement de l’enfant, en structure collective (pouponnière) ou en famille d’accueil. Ces mesures sont indépendantes de la suite qui sera donnée aux investigations centrées sur la recherche d’éventuelles responsabilités pénales dans l’entourage de l’enfant.
    (Code civil, art. 375 : si la santé, la sécurité, la moralité d’un mineur non émancipé sont en danger ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises, des mesures d’assistance éducative peuvent être ordonnées par justice.)

    L’enquête préliminaire pénale : Confiée à un service de police ou de gendarmerie le plus souvent spécialisé, elle a pour but de déterminer la nature exacte des faits à l’origine du traumatisme subi par l’enfant, leur éventuelle qualification pénale et d’en identifier les auteurs. Le service, saisi par le Procureur, effectue tous les actes de procédure sous le contrôle de celui-ci auquel il rend régulièrement compte de ses opérations. Dans ce cadre, de nombreux documents sont saisis, dont le dossier médical de l’enfant, les membres du service hospitalier peuvent être entendus, et il est procédé à l’audition (avec ou sans garde à vue selon les éléments recueillis par l’enquête) de tous les adultes en charge la surveillance du nourrisson dans les 24 à 48 heures ayant précédé le malaise de celui-ci. D’autres investigations peuvent être menées comme l’expertise médicale du nourrisson hospitalisé ou l’autopsie de l’enfant décédé.
    Au terme de cette enquête, le procureur de la république peut :
    classer sans suite la procédure si aucune infraction n’a pu être caractérisée (le malaise n’est pas du à un secouement) ou si l’auteur du secouement avéré n’a pu être identifié, saisir un juge d’instruction pour que celui-ci poursuive les investigations ( c’est une « ouverture d’information » – obligatoire en matière criminelle – En fin d’information, le dossier fera l’objet d’un non-lieu si l’infraction n’apparaît pas suffisamment caractérisée ou si l’auteur n’a toujours pas pu être identifié , d’un renvoi devant le tribunal correctionnel si l’infraction reçoit, en définitive, une qualification délictuelle, ou d’une mise en accusation devant la cour d’assises si l’infraction conserve une qualification criminelle, ou conduire au jugement de la ou des personnes mises en cause devant le tribunal correctionnel, par voie de citation directe, de convocation par officier de police judiciaire ou par procès-verbal, ou procédure de comparution immédiate, dans les cas rarissimes où les faits sont simples, de nature correctionnelle et imputables de manière certaine aux intéressés.

    Ces deux types de procédure assurent la protection de l’enfant et la poursuite pénale contre l’auteur de l’infraction lorsqu’il est identifié.
    Mais pour garantir le respect des droits du nourrisson, victime de violence grave, au regard de l’indemnisation des graves séquelles qu’il est susceptible de conserver sa vie entière, il faut qu’il soit représenté à tous les stades de la procédure. Ce sont ses parents qu’ils sont habilités par la loi à faire cette représentation. En son nom et le plus souvent assistés d’un avocat, ils pourront exercer tous les droits de la victime en tant que « partie civile » : demander au juge d’instruction des investigations complémentaires, contester le non-lieu, demander qu’une contre-expertise médicale soit effectuée…… et présenter devant le tribunal correctionnel ou la cour d’assises une demande d’indemnisation des séquelles conservées par l’enfant. Ils pourront aussi, au nom de l’enfant, demander à la commission d’indemnisation des victimes d’infractions pénales ( CIVI) de déterminer le montant de l’indemnisation des séquelles conservées par celui-ci et obtenir le paiement par le fonds de garantie des victimes (FGV) des sommes ainsi allouées. Le FGV fera son affaire de recouvrer ou de tenter de recouvrer les sommes contre l’auteur pénalement condamné.
    Si la réalité du secouement est avérée mais que l’auteur n’a pu être identifié, les parents pourront directement saisir la CIVI.

  • Incidence d’un conflit d’intérêts

    Cette interaction entre les différents acteurs qui gravitent autour du nourrisson secoué ne peut parfaitement bien fonctionner que si l’auteur du secouement est totalement extérieur à la sphère familiale. Mais dès que celui-ci n’est pas identifié clairement, qu’une suspicion intrafamiliale peut subsister ou que l’auteur a été identifié comme un membre de la famille, les parents sont pris dans un « conflit d’intérêts » : défendre les droits du nourrisson, c’est alors prendre le risque de favoriser des investigations complémentaires qui vont permettre d’identifier l’auteur et de demander l’indemnisation des séquelles de l’enfant, c’est mettre la famille en grande difficulté puisque d’une façon ou d’une autre c’est l’auteur du secouement qui devra en payer les conséquences. Dès lors, si le secouement n’a pas déjà fait exploser la cellule familiale, c’est la règle du mutisme et de l’immobilisme qui prévaut au détriment des droits du mineur. Contrairement à une idée reçue, la présence des deux parents de l’enfant au sein du foyer ne protège pas le nourrisson de l’abandon de ses droits au profit des intérêts des adultes qui l’entourent.
  • Désignation et rôle de l’administrateur ad hoc

    Le législateur a donc contourné cette difficulté en prévoyant la possibilité pour le procureur de la république, le juge d’instruction, le tribunal correctionnel, la cour d’assises, ou le juge des enfants de désigner un administrateur ad hoc (AAH), qui, le plus souvent assisté d’un avocat, sera chargé de défendre les intérêts du mineur. Ce professionnel, inscrit sur une liste spéciale dans chacune des cours d’appel, pourra exercer l’intégralité des actions ci-dessus décrites pour les parents.
    Sa mission se terminera par le dépôt, sur un compte bloqué, des sommes allouées en indemnisation. Cependant si ses constatations l’amènent à considérer que ces sommes issues de l’indemnisation pourraient être dilapidées par la famille du mineur, il saisira le juge des affaires familiales afin que sa mission soit prolongée pour l’utilisation des besoins de l’enfant dans le cadre de son projet de vie.

    Par rapport à ce système très cohérent des rôles et des interactions entre les divers acteurs qui gravitent autour d’un bébé secoué, apparait l’importance du signalement, pierre angulaire du bon fonctionnement du système.
    Par rapport à ce système très cohérent des rôles et des interactions entre les divers acteurs qui gravitent autour d’un bébé secoué, il convient de souligner les recommandations de la haute autorité de santé HAS sur les cas de signalement au Procureur de la République. Ce signalement est effectivement la pierre angulaire du bon fonctionnement du système. Ne faire qu’une information préoccupante auprès de la CRIP, c’est prendre le risque dont la pratique révèle qu’il n’est nullement négligeable, que le basculement immédiat ou différé de l’information au Procureur de la République ne soit pas effectué. C’est alors la protection immédiate de l’enfant et l’exercice effectif de ses droits de citoyen qui sont compromis.

    Par Madame Elisabeth Vieux – Magistrate honoraire